Deux articles contenant des analyses et des estimations de l'expert en stratégie Mauro Mantovani et de l'ancien ambassadeur Martin Dahinden ont suscité des discussions controversées ces dernières semaines. Ils portent sur les scénarios de menace actuels et futurs et sur les conséquences qui en découlent pour l'armée. Le tollé réflexe lorsque l'image officielle de la menace est remise en question ne s'est pas fait attendre. Au lieu de se pencher sur les déclarations critiques, les connaissances et les compétences des auteurs ont été mises en doute. La polémique et les œillères doivent être reléguées au second plan en ces temps de ressources financières limitées.
Il est pourtant une nécessité militaire de réévaluer en permanence les menaces et leurs implications et d'en déduire des directives d'action correspondantes. Jusqu'à présent, on a omis de mener un débat sérieux sur les menaces auxquelles le pays et l'armée doivent s'adapter en premier lieu. Il ne suffira pas de partir du cas le plus dangereux, à savoir une attaque armée contre la Suisse, et de croire que c’est réglé. Jusqu'à ce que la Russie attaque à nouveau l'Ukraine en février 2022, cette fois sans donner à l'Occident l'occasion d'enjoliver la violation flagrante du droit international, l'hybridité dominait le débat sur la politique de sécurité. Entre-temps, l'utilisation de méthodes hybrides semble n'être, du moins dans notre débat national, qu'un prélude à une agression militaire ouverte (également) contre la Suisse. En déduire que la "défense" devrait donc dominer la réflexion et l'action en matière de politique de sécurité et de défense serait faire preuve de négligence. Les opérations de désinformation et d'influence raffinées et perfides ne sont pas seulement des possibilités hostiles, mais une réalité, tout comme le sabotage d'objets et d'infrastructures civiles stratégiquement importants, les complots d'assassinat contre des personnes clés de l'industrie de l'armement, les perturbations du trafic aérien ainsi que l'espionnage intensifié, et pas seulement par des moyens cybernétiques. Toutes ces activités sapent la stabilité de notre société, affaiblissent le lien entre les autorités et la population et la résilience de l'État. L'armée doit être en mesure de s'impliquer et d'opérer de manière flexible et adaptée aux besoins, si possible en arrière-plan, dans toutes les formes de menaces. L'efficacité doit primer sur l'autopromotion et le désir d'être perçu comme important. L'armée doit pouvoir le faire maintenant, et non pas en 2030, 2035 ou 2045. A quoi sert-il de planifier et de budgétiser le cas le plus dangereux, si les moyens alloués suffisent seulement au remplacement urgent de systèmes obsolètes et si la modernisation rapide est repoussée aux calendes grecques ? Le reproche populiste selon lequel la Suisse s'offre tout juste une armée moyennement préparée, uniquement pour satisfaire au prédicat de la "neutralité armée", n'est pas totalement à écarter. Les débats houleux et controversés au Parlement le montrent également. Les bouleversements géopolitiques ne devraient-ils pas conduire à d'autres priorités et conséquences ?
Les chantiers
Les difficultés auxquelles l'armée est confrontée sont multiples et graves. Si, jusqu'à récemment, le manque d'argent était au premier plan des discussions, ce sont aujourd'hui de plus en plus les difficultés liées au déroulement des projets d'acquisition qui sont en cause. Le fait que les mauvaises nouvelles attirent davantage l'attention déforme la perception et occulte le fait que de nombreux projets sont fondamentalement sur les rails, même si certains doivent être améliorés. L'état des effectifs de l'armée et, par conséquent, la révision du système d'obligation de servir retiennent beaucoup trop peu l'attention. Le Parlement doit encore prouver qu'il veut dépasser de manière constructive le Conseil fédéral, mou sur cette question depuis des années. Peut-être que la campagne de votation sur l'initiative populaire pour un service citoyen apportera enfin à cette question l'attention qu'elle mérite. La décision du Parlement, lors de la session d'hiver 2024, d'allouer 530 millions supplémentaires au DDPS était liée à la condition de supprimer en contrepartie des postes au DDPS. La logique derrière cette décision est évidente : l'armée a besoin d'armes et d'équipements mais de moins de personnel à Berne. Une conséquence pratique de cette logique est par exemple que des postes sont désormais supprimés de manière linéaire dans tous les domaines du DDPS, par exemple aussi à l'Office fédéral de la cybersécurité, qui est déjà substantiellement sous-doté. Le raisonnement consistant à se concentrer unilatéralement sur l'équipement pour le cas le plus dangereux, mais aussi le plus improbable, et à négliger le cas moins spectaculaire, mais déjà réel aujourd'hui, montre ici ses revers désastreux.
Élections au Palais fédéral et à la tête de la SSO
L'élection de remplacement de la conseillère fédérale sortante Viola Amherd aura lieu le 12 mars. Ceci à une époque où les bouleversements en matière de politique de sécurité et d'armée en Europe ont provoqué une grande insécurité dans la société. Le DDPS a pris de plus en plus d'importance durant cette période. L'armée a dû être remise à niveau rapidement et souvent contre des résistances politiques. Des investissements négligés pendant des décennies doivent être rattrapés et la position de la Suisse dans le contexte international doit être clarifiée. La SSO tient à remercier chaleureusement la cheffe du DDPS pour ses succès et ses années très exigeantes à la tête du Département de la défense. La SSO assure le nouveau conseiller fédéral et chef du DDPS de sa pleine confiance et de son soutien professionnel. Elle se réjouit d'une collaboration étroite, critique et constructive. La SSO renonce à un hearing des candidats au Conseil fédéral. Ceci est réservé aux partis politiques, car seuls ceux qui peuvent élire doivent inviter à des auditions.
Lors de l'assemblée des délégués de la SSO du 8 mars prochain, un nouveau président sera élu. La commission de recrutement propose deux candidats capables et compétents de la Suisse latine pour l'élection : Le brigadier de milice Yves Charrière, d'Aubonne VD, vice-président en exercice de la SSO, et le colonel EMG Michele Moor, de Cureglia TI, président de la SSO de 2005 à 2008. Je souhaite à ces deux camarades la chance nécessaire au soldat.
Colonel Dominik Knill, Président de la SSO 28.08.2021 - 08.03.2025
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